Editions Le Rouergue - 2016- 176 pages
Chevalier vit seul dans sa ferme. Il a bien quelques voisins, le père Meune avec qui il passe un peu de temps, et un couple avec deux enfants à qui il n'a jamais vraiment parlé. Il travaille à l'usine et aime pêcher avec ses amis, Ségur et Flavio.
Ce samedi-soir, il se retrouve sur le chemin d'une voiture accidentée. Il se porte au secours de ses occupants, un homme et deux femmes, qu'il n'a jamais vu, et qu'il parvient à sortir vivant de la carcasse. Cet événement va chambouler la vie tranquille et sans relief de Chevalier.
Ce livre est un peu hybride, il est à la fois réaliste et intemporel. Ancré dans la réalité car on comprend que l'intrigue se situe en milieu rural, que le personnage est un jeune homme (la petite quarantaine??), qu'il vit seul, qu'il travaille dans une usine, qu'il a une mère avec laquelle il entretient peu de relations, des soeurs qui ont toutes quitté le village.
A côté de cela gravitent des personnages, si n'est mystérieux, en tout cas intrigants: les voisins, qui ne sont pas nommés autrement que par leur condition de voisins, dont on sait peu de choses; une jeune femme rescapée de l'accident de la route, dont on apprend finalement très peu d'éléments, qui fait presque figure d'OVNI...Le village lui-même n'a pas de nom propre.
C'est cette dualité qui est intéressante dans le livre car elle traduit ce qui pour moi constitue le fond du propos: les relations sociales, avec des gens que l'on voit ou côtoie tous les jours mais qu'on ne connait pas. Chacun vit dans son individualité, pas au sens péjoratif du terme, mais plutôt enfermé dans sa routine. Il y a du repli sur soi chez ces gens, assez caractéristique de notre monde rural contemporain (même si le milieu urbain n'y échappe pas, mais il se manifeste sous une autre forme). Les rares amis que Chevalier possède, ceux qu'il pense connaitre par coeur, sont amenés à le surprendre, à le bousculer même, et à lui faire prendre conscience que se voir ne signifie pas nécessairement échange et connaissance de l'autre.
De même, le personnage de la tenancière du bar du village, veuve, que sait-il vraiment d'elle, hormis ce qu'on en dit dans les rumeurs? Et Claudie, l'infirmière, l'amour de jeunesse de Chevalier, lui a-t-il jamais fait part de ses sentiments? Car dans ces milieux, on ne se livre pas, on ne se parle pas, pas pour rien dire en tout cas, et exprimer ses sentiments, eh bien, c'est une perte de temps.
Voilà un beau premier roman, tout en finesse, qui met l'accent cependant sur les codes d'un monde parfois bien rude, où les hommes ne savent plus communiquer entre eux.
Ma note: