Editions Le Nouvel Attila - 2017- 200 pages
1986. Maryam a cinq ans lorsqu'elle quitte Téhéran avec sa mère, pour rejoindre Paris où son père s'est exilé quelques mois plus tôt.
Depuis la révolution iranienne sept ans plus tôt, les parents de Maryam ont choisi de résister auprès des communistes. Mais il est devenu de plus en plus difficile de vivre dans un pays privé de libertés.
Maryam raconte la difficulté de l'exil, la découverte d'une nouvelle culture -l'épisode des croissants est à ce titre particulièrement poignant-, d'un nouveau pays, d'une nouvelle langue. Sans oublier ce pays natal, l'Iran, dont elle garde de nombreux souvenirs, pas tous heureux d'ailleurs. Comment trouver un équilibre, se construire avec cette double culture?
Si l'on doutait un jour du pouvoir de la littérature pour comprendre le monde, il suffit de lire ce livre pour affirmer qu'il est immense. En effet, le récit proposé ici remplace bien des débats et "échanges" sur la question de l'exil et de l'immigration. Car cet acte, celui de quitter leur pays, est loin d'avoir été une chose facile. Communistes, c'est d'abord le père, puis la mère et la fille, qui laissent cette terre tant aimée mais qui subissent trop de restrictions de liberté.
L'auteure explique, à travers des exemples de la vie quotidienne, les effets du déracinement: sa mère qui, à Paris, n'attend qu'une chose, le jour où elle pourra retourner dans son pays, l'Iran, son sentiment de ne pas se sentir légitime dans un pays dont elle ne connait pas la langue. Elle raconte aussi comment elle a vécu sa scolarisation, à hauteur de petite fille, qui grandit.
La langue occupe une place très importante dans le processus identitaire. Maryam Madjidi en parle beaucoup, comme un socle: le français d'abord, qu'elle n'accepte de parler qu'au moment où elle s'y sent prête, suffisamment en confiance, et qui contribue pour elle à ce qu'on appelle l'intégration. Et puis le persan, sa langue natale, dont elle vante les poètes, défendue par son père. Il veut que sa fille parle le français à l'extérieur, il y tient, mais le persan à la maison, pour ne pas perdre le lien avec ses origines. Selon les périodes de sa vie, Maryam rejette ou s'approprie l'une ou l'autre de ces langues.
J'ai beaucoup, beaucoup aimé ce livre. Maryam Madjidi entremêle les époques pour nous restituer le récit d'une vie, de vies, marquée(s) par l'exil, par le tiraillement entre deux cultures et la profonde affection qu'elle voue à ses deux pays. Ce récit, c'est la vraie vie, les conséquences des choix politiques sur les populations et un vibrant hommage à la liberté.
L'avis de Delphine
Ma note