Editions Stock- 2018- 208 pages
4ème de couverture: On ne l'appelle jamais Antoine Orsini dans ce village perché au coeur des montagnes corses, mais le baoul, l'idiot du coin. A la marge, bizarre, farceur, sorcier, bouc émissaire, Antoine parle à sa chaise, lui raconte son histoire, celle des autres, et son lien ambigu avec Florence Biancarelli, une gamine de seize ans, morte au milieu des pins et des années 80. Qui est coupable?
On plonge à pic dans la poésie, le monde et la langue singulière d'un homme simple, jusqu'à la cruelle vérité.
Ecrit à la première personne, ce roman rend compte de la vie d'Antoine, l'idiot du village, le baoul comme on dit là-bas, en Corse. Un esprit confus, simple, qui passe d'une idée à l'autre, qui fait des choses sans se rendre compte des conséquences parfois. Benjamin d'une famille de trois enfants, sa mère est morte en couches en le mettant au monde. Tenu pour responsable par son père, ce dernier le rejette.
Antoine, c'est celui dont les parents se méfient, la bonne poire pour ses "amis", le souffre-douleur parfois, mais une épaule aussi pour Florence, lorsqu'elle cherche juste un peu de réconfort. L'histoire s'attache à nous montrer ce rapport (ou non rapport justement) qu'Antoine entretient avec les autres: son père, alcoolique, qui le rabaisse et ne lui a jamais montré de signe d'intérêt; son frère qui, au début du moins, cherche à le protéger des humiliations subies par les autres enfants, comme un grand frère. Puis qui a fini par laisser tomber, par sentiment d'impuissance, et de honte aussi, d'avoir un frère "comme ça".
Alors que ce qu'il cherche Antoine, c'est juste qu'on lui donne enfin un peu d'amour, un geste affectueux, une parole rassurante. Il aura trouvé cela un temps auprès de Madame Madeleine, son institutrice, du réconfort, de la chaleur, avant qu'elle ne décède. Il retrouve quelques uns de ces moments avec Florence, malgré ses maladresses. Il voudrait aussi renouer avec sa soeur, qui a fui le village et rejoint Paris pour y faire carrière. Ne seraient-ce que quelques mots échangés au téléphone...en vain.
Dans ce deuxième roman, Julie Estève réussit un vrai tour de force en nous faisant rentrer dans l'esprit d'Antoine, dans toute sa singularité, son instabilité , il peut passer du calme à la violence, du rire aux larmes, mais aussi toute sa générosité. Antoine raconte ce qu'il voit, ce qu'il ressent, tel que cela lui vient. Par moments dur et cruel, il n'en reste pas moins un beau roman.