Editions La Manufacture des Livres - 2020- 188 pages
A Nancy, en Lorraine, un père élève seul ses deux fils adolescents, suite au décès de la mère de maladie. Le père travaille à la SNCF; l'aîné, Fus, ne parvient pas à briller dans les études, alors que le plus jeune, Gilles, réussit mieux. Malgré la difficulté de la situation, les trois hommes partagent des moments de bonheur, au stade, en regardant ensemble les JO à la télé...bref une vie simple. Jusqu'au jour où le père découvre que Fus fréquente les milieux d'extrême-droite. C'est l'incompréhension, la honte, lui qui a toujours milité à gauche.
S'ouvre alors une guerre silencieuse entre le père et le fils, une distance s'instaure entre eux, le silence s'installe. Comment gérer le choix de ce fils, qui met à mal leur relation?
Voici le genre de livres dont il est difficile de parler, il m'a tellement plu que je crains de ne pas lui rendre justice. Ce livre m'a bouleversée. Il parle de la relation d'un père avec ses fils, de ce qu'il y a d'incontrôlable, d'insondable, de ce qu'on ne maitrise dans la vie de nos enfants, malgré tout ce qu'on a souhaité ardemment leur transmettre, comme valeurs, comme sens à la vie.
Ce récit, simple mais pas simpliste, montre à quel point rien n'est écrit à l'avance. On est ici dans un milieu modeste mais pas misérable. Les deux fils ont vécu la maladie de leur mère, les attentes à l'hôpital, l'issue fatale. Et pourtant, chacun ressent les choses différemment. Et il en va de même pour toutes les étapes de la vie. Lorsque le père apprend l'engagement de son aîné auprès d'un groupe d'extrême-doite, c'est la stupeur, la honte, l'incompréhension. Le lecteur assiste alors à l'éloignement des deux hommes, même si le conflit ne se traduit pas par des affronts, des disputes. Non, la violence est sourde, silencieuse. Ils ne se parlent plus, que pour l'essentiel, s'éloignent l'un de l'autre. A côté, le petit frère est au milieu, déchiré entre son amour pour son père et pour son grand frère.
Et autour d'eux gravitent quelques personnages très bien campés: le copain de Fus, qui vient prêter main forte à Gilles pour ses études, ce fils que le père aurait sans doute voulu avoir; Jacky, le copain et voisin, qui a un profond attachement pour cette famille...
Mais au fond, ce que j'ai ressenti dans ce texte, malgré cette colère, cette tristesse, cette honte, cette impuissance, c'est un grand grand cri d'amour. Une tendresse sans borne, maladroite sans doute, mais omniprésente. Et en cela, rien qu'en cela, ce livre est beau. Un énorme coup de coeur.
Ma note: