Editions Actes Sud - 2013- 218 pages
De nos jours. Lors d'une intervention qu'elle fait dans un lycée, Suzanne Langlois raconte son expérience de femme déportée pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle se rappelle alors, elle, Mila, jeune résistance parisienne, est arrêtée et déportée au camp de Ravensbrück en 1944. Enceinte, elle tente de survivre dans cet univers dont nul ne sait, à l'époque, s'il en sortira un jour.
J'ai réfléchi un moment avant d'ouvrir ce livre, je craignais le sujet, qu'il soit trop dur pour moi, en tant que mère. Et puis j'ai franchi le pas et ne le regrette pas. Il est ici question de la vie des ces femmes déportées au camp de Ravensbrück, leur survie, la faim, le froid, la maladie, la mort au quotidien. Les épisodes de l'Appell, en pleine nuit, dans le froid et la neige; la terrible monnaie d'échange que représente un bébé mort pour les autres encore vivants (mais pour combien de temps?) Et aussi la maternité, pré et post-natale: être enceinte au camp, celasignifie le Revier c'est-à-dire la mort. Et puis quel devenir pour ce bébé?
Les faits, les situations sont ici relatés sans jamais tomber le sordide et la surenchère, en tous cas pas plus que le seul sujet de la déportation et ses conditions ne le suggère. J'ai ressenti comme de la retenue dans la façon d'aborder cette histoire, la réalité se suffit à elle-même: c'est dur, inimaginable, inhumain, révoltant, désolant.
L'auteur insuffle pourtant de l'espoir à ces personnages, toutes ces petites choses qui donnent une raison de vivre à ces prisonnières, l'entraide notamment. On se raccroche à tout pour y croire
encore, des petits signes (un chien qui ne mord pas...) qui donne la force de continuer à lutter. Et ces bébés qui naissent (et meurent) dans la Kinderzimmer sont paradoxalement des bouts de vie qui donnent la force de penser qu'un jour viendra où elles pourront sortir du camp. Ces bébés victimes de carences telles qu'ils en font des bébés affamés et amorphes, des vieillards avant l'heure.
Les rumeurs du débarquement allié se font aussi de plus en plus fréquentes mais cette fois-ci sera-t-elle la bonne? La défaite de l'Allemagne nazie apparait de plus en plus concrète au camp en
cette fin 1944. Le four fonctionne à plein régime, certains fonctionnaires du camp désertent.
Au début j'ai eu beaucoup de mal avec le style d'écriture de Valentine Goby, ce style très particulier, un peu haché, brut. Je reconnais une qualité d'écriture mais j'ai été parfois gênée par cette manière d'écrire. Puis je m'y suis fait.
Un livre qui représente un témoignage fort, poignant, même si c'est un roman, et une expression indispensable du devoir de mémoire. Un livre qui prend aux tripes.
Ma note: