Editions Ombres Noires (que j'aime beaucoup) - 2014- 463 pages
Janvier 2009, Jokin Sasco, militant basque de l'ETA, est enlevé . Sans nouvelles de lui, sa famille et en particulier sa soeur Eztia, signale sa disparition à la police et lance un avis de recherche.
Iban Urtiz, jeune journaliste au quotidien régional, est désigné pour couvrir l'événement et doit faire équipe avec Marko Elisabe, photographe et Basque de pure souche. Peu à peu, Iban commence une enquête sur cette disparition inexpliquée à laquelle la police semble attacher bien peu d'importance, et même à brouiller les pistes. Ses investigations le conduisent à découvrir un monde où les voyous ne sont pas toujours ceux qu'on croit et où, sous couvert d'une lutte anti-terroriste loin d'être systématiquement avérée, les limites de la légalité sont allégrement franchies...
L'homme qui a vu l'homme est un polar politique qui traite de la véritable "guerre sale" que se livrent les autorités espagnoles et françaises, et les militants de l'ETA. L'enquête, menée par le jeune reporter, met en relief toute l'ambivalence des deux camps, et les frontières plus que floues entre les flics, les corrompus, les terroristes...L'auteur choisit de dénoncer surtout l'action policière et plus globalement l'Etat, qui n'hésitent pas à recourir à des mercenaires pour effectuer la sale besogne, le plus discrètement possible, l'arsenal étatique sera là pour étouffer le tout.
On en apprend beaucoup sur toutes ces arcanes, comme l'incommunication, une loi espagnole, qui autorise, dans le cadre d'enquêtes de l'anti-terrorisme, à "garder à vue" treize jours un suspect sans que celui-ci ne puisse contacter ni son avocat, ni sa famille. Toute cette opacité laisse donc libre champ à toutes les dérives.
Le point de vue se situe donc moins sur la cause basque en elle-même que sur les mécanismes en marche pour éradiquer ce mouvement. L'illégalité et la corruption gangrènent cette police anti-terroriste.
Ceci étant, je suis gênée par le fait de victimiser à outrance l'autre camp. La lutte anti-terroriste, même si elle constitue un domaine bien à part, n'autorise pas toutes les dérives, c'est clair, mais les groupes en face ne sont pas non plus des enfants de choeur. N'oublions pas qu'il y a eu des morts au milieu de tout ça.
Pour revenir au livre en lui-même, le duo Iban Urtiz / Marko Elisabe, tel qu'il est abordé, est très intéressant, justement par le fait qu'il n'en est pas un. D'un côté, le jeune journaliste novice et tête brûlée, et de l'autre, le photographe expérimenté et aguerri, qui connait bien les groupes incriminés. Ils ne s'entendent pas et mènent leur enquête chacun de leur côté, et ça fonctionne.
Une fois encore, Marin Ledun offre au lecteur un récit riche, intelligent et documenté, et surtout très ancré dans la réalité (le point de départ est tiré d'une histoire vraie). Et lecture d'autant plus intéressante à la lumière de la rencontre à laquelle participait Marin Ledun à Quais du Polar, et dont le thème était : L'Etat, ce suspect bien trop secret.
Ma note: