Editions Folio - 848 pages - publié en 1869
Angleterre, XVIIème siècle. Affublé d'une cicatrice en forme de sourire sur le visage, le jeune Gwynplaine, orphelin, a été défiguré par des comprachicos, bandes peu recommandables, s'occupant entre autres d'acheter des enfants qu'ils mutilent pour ensuite les proposer aux riches en mal de divertissement. Un soir, Gwynplaine est abandonné sur la rive par les comprachicos. Désorienté, il se dirige vers la terre et recueille en chemin Dea, encore nourrisson, dont la mère vient de mourir de froid sous la tempête de neige qui sévit ce soir-là.
Ils trouvent refuge auprès d'Ursus, saltimbanque bourru et misanthrope, qui vit seul avec son loup Homo dans sa roulotte. La troupe est formée. Gwynplaine devient à son tour saltimbanque. Le sourire gravé sur son visage est communicatif et agit comme un remède à l'ennui et au chagrin. Objet de curiosité et d'horreur, Gwynplaine attire les foules.
Je me suis lancée dans cette lecture au début de l'été et je me suis rapidement rendue compte que, de mon point de vue, ce n'était pas forcément la meilleure période pour apprécier ce type d'ouvrage. Je précise aussi que j'ai vu l'adaptation qui en a été faite au cinéma avec Gérard Depardieu, Marc-André Grondin et Christa Théret, avant de le lire (chose que j'evite de faire mais bon, là, ça s'est trouvé comme ça). Je n'avais pas du tout aimé le film, j'avais trouvé que tout était rtop (le jeu des acteurs, les dialogues...). Et à la découverte du livre, je comprends mieux les critiques qui disent que se lancer dans l'adaptation de cette oeuvre relève de l'exercice périlleux.
Il est très difficile de chroniquer un livre tel que celui-ci. D'abord parce qu'il fait partie des classiques de la littérature française et qu'à ce titre, il appartient au patrimoine, un monument historique, une oeuvre qui doit imposer le respect. Et puis parce que c'est Victor Hugo, dont c'est toutefois le premier livre que je lis. Et cet auteur possède une plume extraordinaire, il manie les mots, les tournures de phrases à la limite de l'intemporel. J'ai été subjuguée par ce style absolument incomparable et très caractéristique des auteurs du XIXème siècle surtout. Jamais je n'ai lu un auteur contemporain capable de produire une telle prose.
Les pasages qui décrivent l'amour qui anime Gwynplaine et Dea sont tout simplement sublimes. Quelques exemples:
"Gwynplaine voyait descendre vers lui en pleine lumière, dans un arrangement de destinée qui ressemblait à la mise en perspective d'un songe, une blanche nuée de beauté ayant la forme d'une femme, une vision radieuse dans laquelle il y avait un coeur, et cette apparition, presque nuage et pourtant femme, l'étreignait, et cette vision l'embrassait, et ce coeur voulait bien de lui; Gwynplaine n'était plus difforme, étant aimé; une rose demandait la chenille en mariage, sentant dans cette chenille le papillon divin; Gwynplaine, le rejeté, était choisi."
"Que serais−je sans elle?
Dea avait une pensée:
_Que serais−je sans lui?
Ces deux exils aboutissaient à une patrie; ces deux fatalités incurables, le stigmate de Gwynplaine, la cécité de Dea, opéraient leur jonction dans le contentement. Ils se suffisaient, ils n'imaginaient rien au-delà d'eux−mêmes; se parler était un délice, s'approcher était une béatitude; à force d'intuition réciproque, ils en étaient venus à l'unité de rêverie; ils pensaient à deux la même pensée. Quand Gwynplaine marchait, Dea croyait entendre un pas d'apothéose, Ils se serraient l'un contre l'autre dans une sorte de clair−obscur sidéral plein de parfums, de lueurs, de musiques, d'architectures lumineuses, de songes; ils s'appartenaient; ils se savaient ensemble à jamais dans la même joie et dans la même extase; et rien n'était étrange comme cette construction d'un éden par deux damnés.
Ils étaient inexprimablement heureux.
Avec leur enfer ils avaient fait du ciel; telle est votre puissance, amour!
Dea entendait rire Gwynplaine. Et Gwynplaine voyait Dea sourire.
Ainsi la félicité idéale était trouvée, la joie parfaite de la vie était réalisée, le mystérieux problème du bonheur"
Ceci dit, en plus de 800 pages, l'auteur n'évite pas les longueurs et les digressions. Et il y en a beaucoup. L'histoire ne démarre vraiment qu'au quart du livre et j'ai survolé pas mal de passages. Le style peut par moments perdre le lecteur.
Enfin, je dois faire un aveu de taille: je n'ai pas fini le livre, j'en suis à la moitié. Mais je compte bien le terminer, c'est juste que j'ai manqué de temps et que, comme évoqué plus haut, j'ai eu envie de lire autre chose pendant la période estivale. J'ai donc lu deux livres en même temps, ce qui m'arrive très très rarement. En fait, je viens picorer de temps en temps avec cette lecture dont on pourrait dire qu'elle memmène hors du temps. Mais je ne voulais pas faire faux bond à Aifelle qui a organisé cette lecture commune, et ce depuis fort longtemps.
Je ne mettrais pas de note non plus à ce livre car il est pour moi hors catégorie. Cela faisait très longtemps que je n'avais pas lu de classique, cela ne m'avait pas trop manqué non plus, même si j'ai de bons souvenirs de ceux que j'ai découverts lorsque j'étais au collège et au lycée. Je me demande souvent d'ailleurs ce que j'en penserais aujourd'hui; aussi, je préfère rester sur l'impression qu'ils m'ont laissé à l'époque.
Lecture commune avec Aifelle, Claudia Lucia
Et je le propose pour le challenge des pavés de l'été (mais je ne donnerais le lien à Brize que quand je l'aurai terminé).
EDIT du 18 octobre: je crois que je vais en rester là...Et challenge encore raté cette année mais je ne désespère pas de le relever l'année prochaine (on y croit, on y croit).