Editions Julliard - 2014- 342 pages
Murielle, originaire des Landes, intègre à 17 ans l'Ecole de Variétés de Paris. Elle tombe sous le charme de Francis Morane, "l'homme slave", "le Russe", son professeur de mise en scène, de vingt-cinq ans son aîné. Jeune fille inexpérimentée mais porteuse d'une certaine douceur, d'une singulière détermination et d'un talent artistique certain.
Quelques années plus tard, son chemin croise à nouveau la route de celui qui la trouble tant. Cet homme complexe, volage, instable, qui peu à peu trouve un point d'ancrage auprès de Murielle.
C'est cette histoire d'amour que Murielle Magellan nous raconte ici, sur près de vingt ans, avec ses hauts et ses bas, ses bonheurs et ses doutes.
J'ai été bouleversée, secouée, émue par cette lecture,qui parle d'amour dans tous ses bonheurs, toutes ses contradictions, bref toute sa richesse.
Le livre s'ouvre sur la mort de cet homme, alors que l'auteure n'a que 35 ans et est maman d'un petit garçon de 3 ans. Murielle Magellan a su trouver les mots pour décrire tout ce que l'amour a d'irrationnel, d'irraisonnable, avec une justesse incroyable. Les sentiments qui nous traversent, dans les bons et les mauvais moments, les représentations que l'on se fait et une réalité qui s'avère quelque peu différente de ce qu'on avait imaginé. Elle montre ce besoin d'avancer, de construire avec celui qu'on aime, et la douleur lorsque tout s'écroule.
Récit autobiographique, N'oublie pas les oiseaux déborde de l'amour de cette femme pour cet homme qui lui en fait voir pourtant des vertes et des pas mûres. Elle explique très bien toute la difficulté de vivre, de construire de façon stable et durable avec quelqu'un en souffrance, dont on ne sait plus très bien comment l'aider à aller mieux- le veut-il vraiment d'ailleurs?- ce sentiment d'impuissance voire la culpabilité. Murielle Magellan ne s'épargne pas des situations peu flatteuses pour elle, des moments d'humiliation ou de profond désarroi.
Il n'empêche, cet homme représente celui avec qui elle aura un enfant, symbole de cet amour.
Plus globalement, ce récit raconte la construction d'une femme, de celles forgées par l'expérience.
L'écriture est magnifique, j'imagine combien il faut donner de soi pour coucher sur le papier une telle histoire, dont on sent encore l'intensité, plus de dix ans après la mort de l'homme.
J'ai adoré ce livre, il m'a parlé comme rarement un livre m'a parlé. Je l'achèterai, c'est sûr, car je veux avoir avec moi cette histoire et ces merveilleuses phrases.
Quelques extraits:
"Je ne savais rien des mécaniques affectives en général, ni même, en particulier, de celles des séducteurs. La sanction se passe alors de reproches car reprocher, c'est avouer sa considération. Avouer à l'autre qu'il a compté, ou qu'il compte (...) Jamais l'homme slave ne me parla de cette semaine où il avait échoué à me joindre. Il s'éloigna, c'est tout." p.107
"L'amour était à mes yeux un état permanent dont j'avais bien dû entendre, ici ou là, qu'il s'entretenait, mais je ne comprenais pas ce que cela signifiat concrètement. J'étais réticente à considérer l'amour comme un corps qu'on muscle. Il m'apparaissait plutôt tel un terrain ferme et fertile; non dénué de ravins et de reliefs, certes, mais au soubassement massif et invariable. L'amour pour cet homme en tous cas était en moi si définitif que je ne me voyais pas faire comme on le recommandait dans les revues de filles: être sexy comme ci pour "garder [son] mec, ou rusée comme ça "pour le rendre jaloux". Je n'appartenais pas à cette vie-là, avec mon amour à part. Je me pensais hors catégorie. J'avais tort." p.230
Sur le désir et le besoin d'être mère: "Mais pour accompagner cette solitude, il fallait un homme que j'aime et qui m'aime, simplement. Et des enfants, parce que ça m'était nécessaire, vital, de jouer les mammifères et de transmettre. J'étais une femelle et je voulais un mâle consentant et aimant pour me rendre mère. Et nous ferions le chemin ensemble." p.139
Sur le projet d'enfant: "Mon amour pour cet homme qui disait "oui", ce jour-là, "oui" à cette immense aventure, atteignit son paroxysme.(...) C'était le plus beau cadeau qui soit . La plus belle preuve d'amour." p. 198