Editions de l'Observatoire - 2019 - 224 pages
La Haye, aux Pays-Bas. Alissa est une professeure de russe dans un lycée, d’origine tchétchène, mais elle se fait passer pour Russe pour favoriser son intégration. Ce lycée vient de connaitre une tragédie, une bombe vient d’exploser dans la cantine à l’heure du déjeuner et a fait plusieurs victimes parmi les élèves et le personnel. Il semblerait que ce soit un élève du lycée, lui-même d’origine tchétchène qui ait commis cet attentat. C’est la sidération, le choc, pour ce lycée et pour toute une ville, et bien sûr pour Alissa qui n’était pas ce jour-là au lycée mais qui subit la nouvelle comme les autres.
De son côté, Oumar, le frère de Kirem, le terroriste présumé, reçoit également la nouvelle et se doute très vite que son petit frère est impliqué dans cette tragédie. Oumar a été un élève plutôt brillant, qui a passé son bac et a des ambitions dans la vie. Plutôt bien intégré dans son pays d’accueil, il a envie de réussir. Il dispose d’un alibi pour l’attentat puisqu’il se trouvait dans un café en compagnie d’un autre jeune homme avec qui il avait rendez-vous. A son arrivée aux Pays-Bas quelques années plus tôt, après avoir fui la guerre en Tchétchénie, Oumar a découvert un pays où on était libre, avec le droit d’être heureux, et a pu s’exprimer et s’épanouir. Aux Pays-Bas, Oumar est devenu Adam.
Le terrorisme, comment il se produit, quels sentiments et quelles conséquences à l’échelle d’un établissement scolaire, d’une ville mais aussi d’individus pour lesquels résonne leur propre histoire.
L’exil, de ces vies qui basculent, de ces destins redéfinis dans un contexte de guerre qu’on fuit. La difficulté d’arriver dans le pays d’origine, à s’intégrer sans renier ses origines, à trouver sa place, se forger une identité. Et plus précisément ici l’histoire de la Tchétchénie, qui nous parait à la fois si loin et si proche, son conflit avec les Russes qui a marqué tout un peuple. Et l’homosexualité qui est aujourd’hui encore tragiquement réprimée dans ce pays, au sein même des familles, dont l’ampleur du phénomène est sous-estimée par nos sociétés.
Le récit est très bien mené, les personnages très bien travaillés. On en apprend au fur et à mesure sur leur histoire, comment chacun en est arrivé à ce qu’il est aujourd’hui, au moment où se situe l’intrigue. L’auteure a vécu en Tchétchénie, elle sait de quoi elle parle, et aborde des sujets on ne peut plus d’actualité. C’est poignant, c’est sidérant. Un coup de cœur.